Critique : Jodorowsky's Dune



Quel passionné de science-fiction ne lève pas un lumineux regard au doux nom de Jodorowsky ?

Une aura mystique a toujours entouré l’auteur, qui a vécu cette année son 84ème printemps. Sa carrière revêt de multiples visages, de celui de maître de l’art divinatoire du tarot jusqu’au prolifique scénariste de BD qui a su donner vie au passionnant univers de L’Incal. Derrière la caméra, il a également à son actif une dizaine de films, dont La Montagne Sacrée et El Topo, considérés aujourd’hui comme cultes pour une solide horde de cinéphiles. Ces mêmes cinéphiles qui vous regarderont d’un œil mélancolique quand ils parleront de ce qui constitue la plus grande œuvre d’Alejandro Jodorowsky, celle qui, paradoxalement, n’a jamais vu le jour.

En 1972, Arthur P Jacobs, producteur américain de renom (Planet of the Apes, Play It Again, Sam…) obtient les droits d’adaptation du best-seller de science-fiction Dune de Frank Herbert, ainsi que Patrick McGoohan (The Prisoner, Danger Man) ce qui devait donner lieu à 2 adaptations différentes.  Le premier décèdera peu de temps après, et le second abandonnera rapidement le projet. En 1973, après avoir réalisé La Montagne Sacrée, Jodorowsky se voit délaissé par ses producteurs. Michel Seydoux lui propose alors de produire le film de son choix, ce à quoi l’auteur répondra aussitôt et par hasard le best-seller Dune de Frank Herbert, qu’il n’avait lui-même pas lu. Mais Alejandro le lit en une nuit. Et le lendemain, le réalisateur a déjà en tête un film qui serait une révolution esthétique et cinématographique. « La venue d’un prophète », selon ses propres dires. Seydoux acceptera malgré l’incommensurable budget de plus de 10 millions de dollars qu’estime son collègue. Après deux années de voyages, de rencontres et de monumentales dépenses, le film se voit annulé.

Jodorowsky’s Dune de Franck Pavich retrace ce périple, des prémices jusqu’à l’épilogue du projet, via le réalisateur lui-même, mais également par les multiples collaborateurs, les témoins de l’aventure dont Alejandro fut le héros. Ses rencontres deviennent des anecdotes, toutes plus drôles et touchantes les unes que les autres. Au fur et à mesure que le documentaire nous dévoile ce projet avorté, il nous vient alors en tête que oui, Dune n’aurait pas été qu’un film, mais une vraie avancée artistique, avec une mise en scène extrêmement en avance sur son époque, voire encore sur la nôtre. Parmi les faits et de nombreuses anecdotes, Franck Pavich ramène à la vie le génie du projet, en animant les storyboards de Moebius, en nous livrant les nombreux témoignages allant des producteurs jusqu’aux artistes mêlés au film, dont certains sont décédés depuis. On n’en dévoilera pas trop ici, sachez simplement que la musique devait initialement être composée et interprétée par les groupes Pink Floyd et Magma, ou encore que la direction artistique devait comporter rien de moins que Moebius et H.R Giger...

Au-delà des récits et des témoignages, qui par ailleurs ne nécessitent pas de connaître sur le bout des doigts la chronologie de l’œuvre de Frank Herbert, Jodorowsky’s Dune raconte le parcours d’un homme et son combat pour parvenir jusqu’au bout de son œuvre, en faisant le moins de concession possible. Il chante un hymne à la création, et pointe du doigt une industrie qui manquait déjà d’assurance et qui ne faisait pas tout le temps les bons choix artistiques (un passage bref mais relativement intéressant sur le Dune de Lynch par Jodorowsky, moment d’anthologie). Reste toutefois que Frank Herbert n’est absolument pas évoqué tout au long du film.


Présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes 2013 ainsi qu’aux Utopiales où il a conquis le jury et le public, il fera l’objet d’une sortie cinéma en mars 2014. D’ici là, je vous encourage vivement à explorer l’univers de Dune, avec les romans, mais aussi avec une série de téléfilms avec William Hurt un peu nanardesque mais qui a le mérite de coller assez près à l’œuvre.






Val

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