Réalisation : Terry Gilliam
Casting : Jonathan Pryce (Sam
Lowry), Kim Griest (Jill), Robert de Niro (Harry
Tuttle)...
Sam Lowry, petit
fonctionnaire sans ambition, vit dans un monde totalitaire régi par
un ordre bureaucratique absurde et brutal. Néanmoins, Sam a une
particularité : il rêve. Dans ce monde onirique, il est un
chevalier intrépide engagé dans une quête pour libérer une
mystérieuse demoiselle en détresse, prisonnière de créatures
inquiétantes. Lorsque Sam rencontre Jill, une jeune femme qui
ressemble étrangement à celle qu'il voit la nuit, et qu'elle se
retrouve menacée ici par les autorités, il se met à questionner le
monde qui l'entoure.
Terry Gilliam, ex
Monthy Python, semble pourchassé par une étrange malédiction
qui lui vaut d'être autant reconnu pour ses films que pour les
nombreux déboires qui accompagnent leur réalisation. La fable
singulière qu'est Brazil,n'en fut évidement pas exempte :
dépassements de budget, tournage qui prit du retard avec à
l'arrivée de nombreux désaccords entre studios et producteurs, vis
à vis d'une fin jugée trop amère, qui vaudront au film de
connaitre trois montages différents. Brazil fut donc un
nouveau chemin de croix pour le réalisateur britannique. Malgré son
échec relatif lors de sa sortie, le film allait cependant finir par
accéder au titre de chef-d'œuvre et devenir culte.
L'univers de Brazil
est un étrange mélange de 1984 (certaines scènes font
directement référence au roman d'Orwell) et de parade
grotesque. Un climat de suspicion permanent règne, un simple dîner
au restaurant faisant l'objet d'un contrôle presque aussi poussé
qu'à Roissy. On observe également la disparition des plaisirs et
des liens familiaux. La nourriture est remplacée par une mixture
suspecte tandis que la mère de Sam, monstre de narcissisme,
entretient avec ses amies et son fils des liens très superficiels.
Son obsession pour la chirurgie esthétique constitue autant un
ressort comique qu'une dénonciation d'un des principes propres aux
dictatures : donner aux peuples d'autres obsessions que leur liberté.
La chanson éponyme au titre, qui rythme une des premières scènes
et qui résonne tout au long du film, sonne comme l'ultime écho
d'une liberté évaporée, avalée par les couloirs monotones et
obscures du ministère des archives. C'est dans ces monumentaux
décors de béton glacé, qui rappellent le Metropolis de
Fritz Lang, qu'évolue Sam. Ce dernier n'a absolument pas
conscience de vivre dans un monde dystopique et est complètement
intégré à cette grande mascarade. Il est l'ignorant baigné
d'indifférence, l'attentiste par excellence.
Le film oscille toujours
entre réflexion politique et comédie, ce qui lui donne une saveur
toute particulière. C'est un humour parfois très empreint de flegme
britannique mais qui sert à révéler toute l'absurdité de l'ordre
bureaucratique. Ainsi, le seul personnage vraiment dissident,
considéré par les autorités comme un "terroriste", est
en réalité un chauffagiste clandestin. Néanmoins, le rire n'est
pas ici aussi franc qu'il pouvait l'être dans La vie de Bryan
au bon vieux temps des Monthy Python. Dans Brazil, il
sert également à traduire l'égoïsme monstrueux de la société,
son inhumanité complète. Il suffit d'une scène où Sam interrompt
en pleine activité une secrétaire à l'air guilleret. Lorsqu'il
regarde ce qui la met tant en joie, il s'aperçoit qu'elle est
entrain de retranscrire en direct les cris d'un homme que l'on
torture. On ne peut alors plus s'échapper par le rire, le malaise
est roi et nous devenons nous aussi témoins et victimes de cette
absurdité cruelle. Comme Sam, on le comprend : le chaos est si
profondément ancré qu' il n'y aura peut être pas de fin heureuse.
La bande annonce
Il faudra à Sam accepter
d'épouser ses désirs enfouis pour qu'il parvienne enfin à se
dresser devant l'autorité et devienne le héros qu'il a tant rêvé
d'être, cela en ouvrant les yeux justement. Car la morale de Brazil
c'est aussi celle-ci, au-delà de la satyre et du film d'anticipation
: l'histoire d'un homme qui à travers l'amour et une prise de
conscience, apprend à se réapproprier son humanité.
M.Pallec
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